mercredi 5 décembre 2007

L’immortel Liu Sheng Xian

D’aucuns prétendaient déjà à l’époque que l’homme aurait plus de cent-cinquante ans. Il parait en effet relativement âgé, à voir ses cheveux totalement blancs et la pâleur de sa peau. Cependant, lorsqu’il se meut, Liu se déplace comme un félin, et sa démarche laisse penser à celle d’un enfant, non à celle d’un vieillard. L’homme est peu loquace, même s’il connaît un nombre incalculable de choses, particulièrement en matière d’arts martiaux (l’histoire, les armes, les styles...)

Personne ne sait où il réside, mais sa connaissance de la médecine par le Qi, l’énergie (Yi Dao) en fait quelqu’un de particulièrement recherché. Une fois, un personnage important tombe gravement malade et envoie ses collaborateurs quérir l’immortel Liu. Lorsqu’ils tombent sur celui-ci et lui demandent ses conditions pour soigner l’officiel, Liu Seng Xian réclame une somme d’argent exorbitante (deux millions !). Lorsqu’il officie, le vieil homme ne touche pas directement ses patients, et recule au contraire de quelques mètres pour les guérir avec ses techniques spéciales. Le rétablissement du notable survient très rapidement, ce qui intrigue maître Du Xinwu qui décide à son tour de partir à la recherche de l’immortel. II souhaite apprendre de lui ces pratiques curatives, mais se voit réclamer lui aussi la somme de deux millions pour ce faire ! Décidé, quoique sans le sou, Du s’y reprend à plusieurs reprises, et alors qu’il rend visite à Liu Sheng Xian en compagnie de son disciple Wan Laisheng, l’immortel semble plongé dans une profonde léthargie lorsque soudain il lève la tête et dévisage le jeune Wan : « c’est à ton élève que j’enseignerai » s’exclame-t-il à l’adresse de Du Xinwu!

Finalement, après plusieurs années au contact de l’immortel, Wan Laisheng doit prendre congé de Liu afin de se rendre à Nankin où doit se dérouler la fameuse compétition (1928). Avant de quitter Pékin, son maître donne à Wan un médicament, et lui prodigue un conseil. Il lui dit également « tu ne seras pas de retour dans cette ville avant longtemps, mais lorsque tu reviendras, ce sera avec les honneurs ». A ces paroles, le jeune garçon ne se doute pas que s’est seulement en 1982 qu’il reviendra dans la capitale, accueilli par le premier ministre de la République Populaire de Chine. Quant au médicament, il ne lui faudra que quelques heures avant de devoir en faire usage, car au moment même de prendre le train pour Nankin à la gare de Pékin, un lourd panneau lui tombe violemment dessus. Wan Laisheng a juste le temps de parer le coup de son avant-bras, au prix d’une importante commotion. Le remède de Liu fera son effet, et l’un des futurs vainqueurs de la compétition pourra quand-même combattre. En serait-il allé de même sans ce médicament miracle ? Enfin, au moment de son départ, Wan Laisheng reçoit ce conseil sibyllin de son non moins énigmatique maître: « si tu veux faire de grande choses dans ta vie, réfugies-toi à l’est ». C’est ce que fera l’élève discipliné, qui prendra refuge dans la province du Fujian lorsque les événements l’y contraindront (guerre civile entre les nationalistes et les communistes à la fin des années quarante). Cependant, maître Wan Laisheng ne le comprendra que plus tard, à l’âge de soixante-dix ans et après bien des épreuves (torture, prison, pauvreté), c’était encore plus à l’est, à Taiwan que son destin résidait.

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